Le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE) dévoile six scénarios prévisionnels pour atteindre la neutralité carbone dans le secteur électrique à l’horizon 2050. Seule une prévision repose intégralement sur les énergies renouvelables. Tous les autres intègrent du nucléaire, qu’il soit historique ou de nouvelle génération.
Comment atteindre la neutralité carbone dans le secteur électrique à l’horizon 2050 ? C’est la question à laquelle tentait de répondre ce 25 octobre le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité (RTE). Devant plus de cent journalistes, RTE a présenté son rapport intitulé « Futurs énergétiques 2050 ». Ce dernier comporte six scénarios indiquant comment la France pourrait totalement décarboner sa production d’énergie d’ici trente ou quarante ans. Les trois premiers, M0, M1 et M23 correspondent à des projections dans lesquelles la France n’aurait pas besoin de nouvelles centrales nucléaires. De plus, la part d’énergies renouvelables y serait fortement majoritaire, voire totale. Les trois suivants, N1, N2 et N03 combinent une large part de production électrique grâce au nucléaire. Ils intègrent aussi une part de production électrique d’origine renouvelable.
Ainsi, RTE a dépêché une équipe de 40 personnes qui a travaillé sur le sujet durant deux ans. En tout, 120 organisations telles que l’Ademe, Météo France, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou la Commission de régulation de l’énergie ont collaboré aux diverses études. « C’est la première fois que RTE établit des scénarios à plus de quinze ans », affirme Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE. Pour cela, RTE s’est appuyé sur un modèle d’utilisation d’électricité dans toute l’Europe durant trente ans. Pour ce faire, celui-ci simule heure par heure les volumes de production et de consommation d’électricité en fonction de la situation météorologique.
Le nucléaire présent dans 5 scénarios sur 6
« Tous les scénarios s’inscrivent dans l’objectif de neutralité carbone et répondent à la même assurance de production », atteste Thomas Veyrenc, directeur exécutif en charge du pôle Stratégie, Prospective et Évaluation de RTE. Celui-ci ajoute que dans les six cas, « un socle d’énergies renouvelables est toujours nécessaire ». Avec l’application du scénario M0, la France pourrait intégralement sortir du nucléaire en 2050. Ce mix électrique intégrerait 36% de solaire, 31% d’éolien maritime, 21% d’éolien terrestre et 9% d’hydraulique. Les prévisions M1 et M23 conservent 13% de nucléaire historique. La première comprendrait majoritairement 36% de production d’origine solaire, la seconde 32% d’éolien maritime. RTE alerte sur le fait que la mise en place de tels scénarios exigerait des efforts certains. « Pour que ça marche, il faudra devenir plus ambitieux que l’Allemagne sur l’éolien terrestre et plus que le Royaume-Uni sur l’éolien en mer », alerte Thomas Veyrenc.
Les trois projections suivantes sont plus conformes à la volonté d’Emmanuel Macron de voir se développer des « mini centrales » nucléaires. Dans les scénarios N1, N2 et N03, la part du nucléaire s’élève respectivement à 26%, 36% et 50%. À l’intérieur de ces prévisions, RTE intègre 12%, 22%, voire 27% de « nouveau nucléaire ». Ces trois scénarios impliquent la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, de type EPR2 ou SMR. Si la France retenait l’option N03, il lui faudrait alors construire « quatorze EPR et plusieurs SMR », détaille Thomas Veyrenc. Dans le cas N1, il faudra que la France « mette en service huit EPR entre 2035 et 2050 ».
RTE avertit également que mettre en application un système qui n’inclurait pas les technologies EPR2 et SMR pourrait être difficile. « Se passer de nouveaux réacteurs nucléaires implique des rythmes de développement des énergies renouvelables plus rapides que ceux des pays européens les plus dynamiques », déclare RTE.
RTE prévoit une hausse de la consommation électrique
RTE prévoit que la neutralité carbone dans le secteur électrique passera nécessairement par une électrification des usages. Le gestionnaire du réseau estime ainsi que la consommation électrique de référence pour 2050 pourrait se situer aux alentours de 645 TWh. « Cette trajectoire prévoit une hausse de 35% de la consommation électrique par rapport à aujourd’hui du fait de l’électrification des usages. Cette part ne s’élève qu’à 35% grâce à l’efficacité énergétique », explique Xavier Piechaczyk. Selon lui, dans les prochaines décennies, l’électricité remplacera massivement le pétrole et le gaz d’origine fossile. « Les gens auront besoin d’électricité pour leurs voitures et ne se chaufferont plus au fioul », prédit le président du directoire de RTE.
Une autre estimation, haute, s’établit à 755 TWh. Ce cas correspondrait à une « réindustrialisation profonde, dans le cas où l’industrie manufacturière atteindrait 12 à 13% du PIB », indique Xavier Piechaczyk. RTE envisage que dans ce cas, l’empreinte carbone de la France reculerait du fait de la relocalisation de certaines activités. À l’inverse, un dernier scénario nommé « sobriété » évalue la consommation d’électricité en 2050 à 555 TWh. Le scénario de référence se fonde sur un « prolongement des modes de vie actuels« , rapporte Xavier Piechaczyk. Le plus sobre « suppose des changements plus ou moins profonds. Notamment dans les secteurs de l’habitat, des déplacements, de l’industrie ou du travail », estime-t-il.
Chaymaa Deb