Les terres agricoles du plateau de Saclay compteraient parmi les plus fertiles d’Europe. Avec leur rendement important, elles sont une source de nourriture locale primordiale pour la région parisienne. Cependant, l’avancée de la ligne 18 au travers des champs et l’urbanisation qu’entraînera celle-ci menace ces “terres exceptionnelles”. On vous explique tout.
La ligne 18 est une nouvelle ligne de métro faisant partie du projet Grand Paris Express. Elle a pour ambition de relier la ville de Versailles à l’aéroport d’Orly en passant par le plateau de Saclay. Aujourd’hui, ce plateau abrite encore des milliers d’hectares d’espaces naturels. Cependant l’État compte y installer une « Silicon Valley made in France ».
Pour accomplir ce projet, l’Etat a commencé à rassembler des centres de recherche, des universités et des grandes écoles sur le plateau. Pourtant, les terres de Saclay sont un vaste territoire agricole. Une vingtaine d’établissements agricoles, dont 20% destinés à l’agriculture biologique, sont présents sur le plateau. La ligne 18, actuellement en construction, coupe à travers ces champs et menace leur intégrité. Mais ces terres sont-elles si fertiles ?
Le plateau de Saclay : des terres extrêmement fertiles aux portes de Paris
“Ces terres sont exceptionnelles et doivent rester agricoles”, a déclaré l’une des membres du Collectif contre la ligne 18 et l’artificialisation des terres (CCL18) samedi 13 mai lors d’un grand rassemblement sur la ZAD de Saclay, aussi surnommée Zaclay. En effet, la composition des sols du plateau de Saclay rend ces terres exceptionnelles pour l’agriculture. Selon les études de l’INRAE, la présence de limons offre « des opportunités agricoles exceptionnelles » à Saclay. L’épaisse couche de limons fertiles ainsi que la couche d’argile sous-jacente permettent la création de nappes phréatiques riches en minéraux, défendent les militants.
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En plus d’être parmi les plus fertiles d’Europe, les champs du plateau de Saclay n’ont besoin que de peu d’irrigation. “Sur l’année 2022, malgré la sécheresse, les agriculteurs ont eu de très bonnes récoltes, par exemple de maïs”, explique Sabrina du CCL18, vivant sur place depuis deux ans. Selon l’ADEME, l’autonomie alimentaire de Paris s’élève seulement à trois jours. L’agence estime également que “90% des produits alimentaires consommés [en Île-de-France] sont importés”. “Dans un contexte où nous avons besoin de diminuer les flux, et donc de produire et de se nourrir localement, la disparition des terres agricoles en région parisienne est une hérésie” conclut Sabrina.
Des conséquences sur de nombreux domaines
L’urbanisation du plateau de Saclay aura de grands impacts sur le climat et la biodiversité de la région parisienne. D’après une étude de l’Agence Parisienne du Climat, avec les données de Météo-France, la température de Paris est supérieure, en moyenne, de deux à trois degrés à celle des zones rurales. Les espaces naturels, comme le plateau de Saclay, constituent des îlots de fraîcheur contribuant à contenir la chaleur de la capitale. De plus, l’artificialisation des terres libère du CO2 dans l’atmosphère tout en supprimant des puits de stockage de carbone. Dès 2022, dans le troisième volet de son rapport, le GIEC appelait pourtant à la mise en place de “dispositifs de captation du dioxyde de carbone”, notamment via la reforestation.
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La menace pèse également sur biodiversité du plateau. Plusieurs zones de Paris-Saclay sont en effet des ZNIEFF, des zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique. Ces zones, classées 1 ou 2, les niveaux les plus élevés, abritent de nombreuses espèces dont certaines sont en danger d’extinction. Par exemple, l’UICN a classé la linotte mélodieuse sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de France métropolitaine. “Nous avons donc des conséquences importantes sur l’agriculture, la faune, la flore, le climat, les températures dans Paris, la rétention de l’eau (à cause de l’urbanisation la vallée est exposée à plus d’inondations) et sur la qualité de vie locale”, résument les membres du CCL18.
Plus de 4.000 hectares menacés
Le plateau de Saclay rassemble plus de 4.000 hectares d’espaces naturels, forestiers et agricoles, dont 2.300 dédiés à l’agriculture. Avec ses 45 km de long, la ligne 18 en elle-même ne devrait grignoter que 0,6 hectares. Le véritable problème vient de l’urbanisation que causera cette ligne. Pascal Auzannet, ancien haut fonctionnaire chargé des réflexions sur le projet de métro du Grand Paris, a déclaré auprès de l’établissement public Paris-Saclay : “le [plateau de Saclay] est appelé à connaître de forts développements”. Il ajoute que le nombre de voyageurs attendus à l’horizon 2030 “ne devrait pas excéder les 5-6.000”. Pourtant, la ligne 18 est prévue pour transporter jusqu’à 40 000 voyageurs en heure de pointe. Le projet serait donc surdimensionné et repose sur une urbanisation massive du plateau pour devenir rentable.
Selon le CCL18, “depuis les années cinquante, 1.400 hectares ont déjà été bétonnés sur le plateau de Saclay”. Avec l’arrivée de la ligne 18, les membres du collectif craignent maintenant pour l’intégralité des espaces naturels du plateau. Afin de préserver ces terres, le CCL18 et le Collectif pour le Triangle de Gonesse appellent, par une pétition, au classement des terres de Saclay et Gonesse à l’Unesco. Ce classement au patrimoine mondial permettrait de protéger les espaces naturels, forestiers et agricoles du plateau de Saclay.
« Plus aucune zad (zone à défendre) ne s’installera dans notre pays« , avait déclaré Gérard Darmanin au Journal du Dimanche le 1er avril. Suite à cette annonce, les pressions exercées par la préfecture sur les agriculteurs se sont intensifiées. Si Zaclay n’est pas évacuée le 5 juin, les zadistes pourront être expulsés par les forces et les agriculteurs les hébergeant pourront faire face à des amendes.