Après dix jours et une nuit de négociations, plus de 190 pays ont signé un accord en clôture de la COP15. Leur objectif commun est de parvenir à protéger ensemble la biodiversité. Mais avant le coup de marteau final, l’Afrique a grincé des dents. Désormais, les ONG sont à mi-chemin entre satisfaction et perplexité.
À quelques jours de Noël, c’est une belle promesse que le monde fait à la nature. Ce 19 décembre, jour de clôture de la COP15 à Montréal, le monde a signé un accord pour tenter de protéger la biodiversité. Après dix jours et une nuit de marathon diplomatique, plus de 190 États sont parvenus à un accord sous l’égide de la Chine, présidente de la COP15. le secrétaire général de l’ONU António Guterres accueille cette nouvelle avec beaucoup d’optimisme. Ce dernier n’hésite pas à désigner la mise en place d’un « pacte de paix avec la nature ».
Pourtant, à 3h15 du matin, la victoire unanime n’était pas encore acquise. « Le président chinois de la COP15 [Huang Runqiu, ministre de l’Environnement chinois, NDLR] explique la procédure et demande l’adoption préliminaire. Des prises paroles de pays … Coup de théâtre, la République démocratique du Congo ne souhaite pas approuver, en évoquant le déséquilibre entre les ambitions et les sommes annoncées pour la mise en œuvre », rapporte sur LinkedIn Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS. Au même moment, le Cameroun a dénoncé un « passage en force », et l’Ouganda a désapprouvé la procédure chinoise. Et la Namibie, pourtant d’accord sur le principe, a déploré une influence colonialiste.
Politiques et ONG contents
Malgré ces déboires, l’échec est évité de peu, notamment grâce au panache du Mexique. Le pays a appelé à la signature du texte sous les applaudissements de l’audience. Après une ultime concertation, le bureau de la présidence adopte l’accord final. Mais en réalité, il a fallu davantage d’une poignée de jours pour aboutir à cet accord. Ce résultat est le fruit d’un labeur au long cours. « Après quatre années de travail, nous sommes arrivés au terme de notre voyage », s’est satisfait Huang Runqiu. À l’origine, l’événement aurait dû se dérouler à Kunming, au sud de la Chine. Mais la crise sanitaire a provoqué sa délocalisation.
Steven Guilbeault, le ministre de l’Environnement du Canada, pays hôte, déclare : « nous avons franchi un pas historique ». De son côté, Lee White, ministre de l’Environnement du Gabon dit reconnaître « la marque d’un bon texte ». Il en tient pour preuve que « la plupart des gens disent que c’est mieux que ce que nous attendions des deux côtés, pour les pays riches, comme pour ceux en développement ».
De nombreuses ONG se sont également félicitées de l’issue de cette COP15. « Les élans, les tortues de mer, les perroquets, les rhinocéros, les fougères rares font partie du million d’espèces dont les perspectives d’avenir seront considérablement améliorées » par cet accord s’est réjoui Brian O’Donnell, directeur de l’ONG Campaign for nature. Masha Kalinina, officière supérieure de l’ONG The Pew Charitable Trusts fait le même constat. Et elle ajoute que « protéger au moins 30% des terres et des mers d’ici 2030 est la nouvelle étoile polaire que nous utiliserons pour naviguer vers le rétablissement de la nature ».
COP15, l’Europe salue un accord « historique »
Sur la scène politique européenne, d’autres voix félicitent l’issue de la COP15, que certains comparent volontiers à l’Accord de Paris. C’est le cas d’Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission européenne « salue » le résultat de la COP15, qu’elle juge « historique ». Cette dernière estime que les États disposent désormais d’une « double voie d’action pour une économie mondiale durable d’ici 2050 ». Puis, la femme politique allemande assure que l’Union européenne se montrera à la hauteur pour atteindre les objectifs fixés pour l’horizon 2030 et 2050, notamment grâce au Green Deal.
La France, quant à elle, « salue l’adoption d’un accord historique et continuera de porter ces engagements aux niveau national et international ». Elle annonce prendre cet engagement aux côtés des 116 pays de la Coalition pour la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples (HAC). La HAC, co-présidée par la France, le Costa-Rica et le Royaume-Uni, avait adopté, avant la fin de la COP15, un nouveau mécanisme de mise en œuvre afin de réaliser l’objectif 30×30 qui vise à protéger 30% des espaces terrestres et 30% des espaces maritimes d’ici à 2030. Le ministre de la Transition écologique se réjouit également de la signature de l’accord, « malgré des positions encore très éloignées il y a quelques jours ». L’ancien maire d’Angers indique qu’il « y a eu à Montréal un sursaut de la communauté internationale pour se mettre d’accord ».
La COP15, une feuille de route de 23 mesures
Ainsi, les nations signataires s’engagent à enrayer la destruction de la biodiversité et de ses ressources. La raison : elles sont indispensables à l’humanité. Pour y parvenir, les États se sont mis d’accord sur le principe d’un « cadre mondial pour la diversité ». Cette feuille de route comprend 23 mesures. Parmi elles, la plus importante est l’objectif de « conserver et gérer efficacement au moins 30% des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières et marines ».
Pour les scientifiques et les ONG, cet objectif est un minimum, voire insuffisant. L’ONG Avaaz souffle que « la science dit clairement qu’au moins 50% de la planète devrait être protégée d’ici 2030 ». Et Greenpeace n’est pas plus tendre. Cheffe de la délégation de l’ONG à la COP15, An Lambrechts, affirme que « dans l’ensemble, la COP15 n’a pas réussi à fournir l’ambition, les outils ou le financement nécessaires pour mettre fin à l’extinction massive ». Sur ce dernier point, la COP15 a décidé, à la suite d’âpres négociations, de demander aux pays riches de fournir « au moins 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, et au moins 30 milliards de dollars par an d’ici 2030 ».
Un accord peu contraignant, qui « ne casse pas la baraque »
Les pesticides ont eux aussi été au cœur des débats. Ainsi, un long bras de fer a opposé l’Union européenne au Brésil, l’Inde ou l’Indonésie. En définitive, l’accord prévoit de « réduire les risques de pollution et l’impact négatif de la pollution de toutes les sources, d’ici 2030, à des niveaux qui ne sont pas nuisibles à la biodiversité ». Pour y parvenir, les signataires doivent, entre autres « réduire de moitié au moins le risque global lié aux pesticides et aux produits chimiques hautement dangereux » notamment par la lutte contre les parasites, en tenant compte de la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance.
Voulant prouver leur bonne volonté, les pays signataires ont adopté un mécanisme de planification. Celui-ci doit prévenir un échec similaire à celui qui a suivi l’Accord d’Aichi. Signé en 2010, aucun des objectifs qu’il fixait pour 2020 n’a été atteint. Toutefois, les réserves quant à son efficacité sont légitimes : l’accord de Kunming-Montréal est moins contraignant que celui de Paris. Face à ce bilan en demi-teinte, Pierre Cannet, directeur du plaidoyer du WWF France résume clairement la situation. Selon lui, « cet accord mondial ne casse pas la baraque mais vient au moins sauver les meubles ».