Cette première semaine de COP26 a permis plusieurs engagements contre le réchauffement climatique. Retour sur ce qu’il s’est passé, entre espoirs et critiques, alors que l’ONU prédit un réchauffement “catastrophique”.
La COP26 arrive à mi-parcours. La semaine dernière, de nouveaux engagements ont vu le jour dans l’optique d’éloigner la planète du réchauffement “catastrophique” prédit par l’ONU. Mais entre actes et paroles, les critiques et appels à l’action redoublent. Bilan de première semaine de cette COP “cruciale” d’après son président Alok Sharma.
Cette première semaine de COP26 n’a pas été infructueuse : engagements sur la déforestation, sortie progressive du charbon, levée de milliards de dollars pour des investissements verts, ambition de neutralité carbone pour l’Inde d’ici 2070.
Le premier ministre britannique Boris Johnson a résumé le programme en quatre mots-clés : “charbon, voitures, cash et arbres.” Mais malgré ces ambitions, le bilan de mi-parcours est déjà fustigé pour son manque d’actes face à l’urgence climatique.
Trois points de blocage selon Laurent Fabius
Laurent Fabius, président de la COP21, alerte sur trois points de blocage majeurs. Le premier point concerne les prévisions scientifiques. En effet, Laurent Fabius rappelle que l’endiguement du réchauffement climatique à 2°C est loin d’être acquis.
Le deuxième nœud que Laurent Fabius souligne est l’article 6 de l’Accord de Paris. Cet article détaille l’aide des pays riches aux pays en développement pour les aider à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Or son écriture n’est toujours pas finalisée car les parties n’ont pas su s’accorder.
Enfin, l’ancien Ministre des Affaires étrangères déplore que l’accord des 100 milliards de dollars n’ait toujours pas abouti. Lors de la conférence sur le climat de Copenhague en 2009, les pays du Nord s’étaient engagés à verser chaque année aux nations du Sud 100 milliards de dollars dédiés à la lutte contre le réchauffement climatique. Un accord qui aurait dû être tenu depuis 2020.
Quelques bonnes nouvelles
Mardi dernier, au troisième jour de la COP26, les États-Unis et l’Union Européenne ont annoncé la signature d’un pacte global pour le méthane par plus de 100 pays. Une première pour cet accord qui promet de réduire les émissions de méthane de 30% d’ici 2030.
Mercredi, plus de cent pays abritant 85% des forêts mondiales s’engageaient à enrayer la déforestation d’ici 2030. Cette initiative bénéficiera d’un financement public et privé de 19,2 milliards de dollars soit 16,5 milliards d’euros. Mais l’Indonésie a remis en question dès jeudi son engagement dans cette coalition. Deux hauts responsables indonésiens ont démenti que leur pays se soit officiellement engagé à complètement cesser la déforestation d’ici à 2030. Le vice-ministre des Affaires étrangères Mahendra Siregar a ainsi estimé que l’engagement de mettre fin à la déforestation était « faux et trompeur« , soulignant que le communiqué sur cet accord avait été diffusé avant la fin des discussions.
Autre impératif pour lutter contre le réchauffement climatique : le charbon. Le mercredi également, 190 pays et organisations s’engageaient à éliminer progressivement l’électricité produite à partir du charbon. À la COP26, plus de 20 milliards de dollars ont été annoncés pour soutenir la transition mondiale du charbon vers les énergies renouvelables.
Jeudi dernier, 19 pays s’engageaient à mettre fin au financement public des énergies fossiles à l’international d’ici 2022. La déclaration prévoit des exceptions uniquement pour les projets avec techniques de capture de carbone. Ainsi, plus de 15 milliards de dollars d’aides publiques par an pourraient se flécher vers les énergies renouvelables. À noter que la France est aux abonnés absents de cette alliance.
Chine et Inde s’engagent à la neutralité carbone
À la surprise générale, la Chine et l’Inde, deux des quatre premiers pollueurs, se sont engagées à la neutralité carbone. Une promesse que la Chine espère concrétiser avant 2060. Le premier ministre indien Narendra Modi a quant à lui fixé la date butoir à 2070.
Et la Chine et l’Inde devront redoubler d’efforts pour convertir leur nouvel engagement en actes concrets. La Chine, premier émetteur de carbone au monde, émet plus que tous les pays de l’OCDE réunis. L’Inde, troisième émetteur de gaz à effets de serre, devra se détacher du charbon. Ce dernier produit environ 70% de son électricité contre 63% pour son voisin chinois.
Mais ces engagements restent pour la plupart flous. Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris, estime qu’en matière de neutralité carbone, « la plupart des engagements ne sont pas étayés par des plans de mise en œuvre. » Par ailleurs, la diplomate dénonce un greenwashing qu’elle juge aussi dangereux que la négociation du changement climatique.
1,5°C : un objectif inatteignable
Le dernier rapport du PNUE, programme des Nations unies pour l’environnement, souligne le fait que les États sont en dessous de l’objectif d’1.5°C en 2100. L’ONU estime que le monde se dirige toujours vers un réchauffement “catastrophique” de +2,7°C.
Jeudi, l’ONU-Climat publiait une analyse préliminaire des nouveaux engagements. En prenant en compte l’ensemble des « contributions déterminées au niveau national » formellement déposées, les émissions de gaz à effet de serre devraient augmenter de 13,7% en 2030 par rapport à 2010. Or elles doivent baisser de 45% pour espérer limiter le réchauffement à +1,5°C.
Pour les pays pauvres, “cette première semaine est une déception”
Du côté des pays les plus pauvres, comme le souligne notamment Laurent Fabius, la question du financement n’a toujours pas abouti. Pourtant, ce sont les moins responsables du réchauffement climatique mais ceux qui en paient le plus le prix.
« Cette première semaine est une déception, la plupart de nos préoccupations ne sont pas en train d’être prises en compte réellement », dénonce Ahmadou Sebory Touré, président du Groupe des 77, coalition de pays en développement. Il déplore également « une mauvaise foi des pays développés qui demandent toujours aux pays vulnérables de faire davantage mais sans mettre sur la table les 100 milliards. »
« Arrêtons les paroles en l’air sur l’accès aux financements », a fustigé Lia Nicholson, négociatrice pour l’Alliance des petites Etats insulaires Aosis. De plus, elle alerte sur les populations en première ligne des dérèglements climatiques qui sont “prises en otage d’une charité aléatoire. »
Surtout que malgré les promesses d’une COP inclusive, groupes de négociations et observateurs ont dénoncé les restrictions d’accès liées au Covid-19. Ainsi, les délégations africaines se trouvent amoindries. Tosi Mpanu Mpanu, négociateur de la RDC sur les questions climatiques, confiait que “les Africains sont très frustrés par ces mesures discriminatoires et unilatérales.”
Des avis mitigés dans tous les rangs
À mi-chemin de cette COP, certains évoquent déjà des succès sans précédents. C’est le cas de l’émissaire américain John Kerry. « Je n’ai jamais, dans les premiers jours d’une COP, compté autant d’initiatives et autant d’argent mis sur la table », a-t-il commenté. Le délégué américain assure que “la majorité des pays du G20 ont de véritables plans qui garderont l’objectif de +1,5°C à portée si ces plans sont appliqués.”
Le président de la COP21 Laurent Fabius dressait lui aussi un bilan plutôt positif. “Les gens sont dans l’ensemble plus optimistes que durant les premiers jours”, constate-t-il. Selon l’ancien ministre, cela s’explique par le fait que la plupart des pays espèrent pouvoir s’accorder.
À l’inverse, la militante suédoise Greta Thunberg a qualifié la COP26 d’un échec. La jeune activiste n’a pas hésité à pointer du doigt l’inaction des leaders de la COP, évoquant à nouveau un « festival de greenwashing. »
Entre espoirs et désespoir
Greta Thunberg s’adressait à des milliers de jeunes venus manifester à Glasgow vendredi. L’une de ces manifestations, organisée par le mouvement Fridays for future, a rassemblé vendredi des milliers de jeunes, y compris des centaines d’enfants.
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De plus, certains doutent de la volonté des grands émetteurs d’aboutir à une déclaration finale ambitieuse. Rachel Rose Jackson, de l’ONG Corporate Accountability, fustige : “si le changement climatique est une alerte rouge pour l’humanité, pourquoi tant de pays à la COP26 négocient-ils comme si c’était un simple exercice incendie ? »
Helen Mountford, du centre de réflexion World Resources Institute, estime qu’il y a deux vérités. « Nous avons fait beaucoup de progrès dans certains domaines, que nous n’aurions jamais imaginés il y a deux ans. Mais en même temps, ce n’est pas assez”, explique la vice-président du WRI.
Cette semaine, les ministres prendront part aux négociations pour tenter de trouver des compromis sur les grandes orientations politiques. Reste à voir si les actes seront à la hauteur des promesses et ambitions nécessaires face à l’urgence climatique.
Jeanne Guarato avec AFP