Lors de l’audience de l’Affaire du siècle, la rapporteure publique a reconnu jeudi la « carence fautive » de l’État et l’existence d’un « préjudice écologique ». Invité de la matinale d’Europe 1, samedi, François de Rugy estime que les actions comme l’Affaire du siècle sont «purement médiatiques».
Alors que les ONG saluent une « avancée historique » pour la justice climatique, l’ancien ministre de l’Écologie du gouvernement d’Édouard Philippe, en fonction de 2018 à 2019, estime que cette décision ne fait pas vraiment avancer la cause du climat. « Ce n’est pas en ayant ce genre d’actions qu’on va réellement faire baisser les émissions de gaz à effet de serre et s’attaquer au problème du climat. On le fait en prenant des actions politiques, ce que nous avons fait.«
Une action politique à faire rougir l’Affaire du siècle?
François de Rugy estime avoir plus fait pour l’écologie que les 4 associations à l’origine de la plainte – Notre affaire à tous, Greenpeace France, Oxfam et la fondation Nicolas Hulot. L’ancien ministre rappelle qu’il a fait voter une loi énergie-climat. Elle programme, entre autres, la fermeture des dernières 4 centrales à charbon en France. « J’aimerais d’ailleurs que les associations qui mènent ces actions purement médiatiques en réalité, purement médiatiques, soient à la pointe de ce combat, et je sais bien que ce n’est pas toujours le cas », ajoute-t-il.
Pour le ministre, c’est l’addition des efforts politiques, des entreprises et des citoyens qui permettront d’atteindre des résultats. « On ne va pas réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les tribunaux », juge-t-il.
Le préjudice écologique à mieux faire respecter
Du crime d’écocide au délit d’écocide, le Medef a-t-il une influence sur l’appauvrissement de la proposition de la Convention citoyenne pour le climat? Interrogé sur l’influence des lobbies dans les décisions politiques, François de Rugy renvoie au naufrage de l’Erika en 1999. La société Total a été condamnée en 2012 par la Cour de cassation française pour ce naufrage. Le pétrolier avait été condamnée à l’amende maximale de 375 000 euros. Total a en plus dû verser 192 millions d’euros d’indemnisations aux parties civiles au titre des dommages et intérêts. Ce montant comprend 13 millions d’euros au titre de préjudice écologique.
« On ne peut pas dire qu’en France les atteintes à l’environnement ne sont pas condamnées aujourd’hui par la justice. Allez dire à Total, qui a été condamné pour préjudice écologique et à juste titre, dans le drame du naufrage de l’Erika, avec la marée noire qui s’en est suivie, qu’il n’y a pas de condamnation. C’est absurde. Le but est de renforcer encore le droit de l’environnement en France et son efficacité ».
Le Conseil d’État en question
François de Rugy ose tout de même reconnaître un manque de cohérence de l’État. Ce dernier vote des lois mais ne les fait pas toujours appliquer. « D’ailleurs, je pense que le Conseil d’état, qui n’a pas encore décidé dans cette plainte des associations […] va peut-être rappeler l’État à sa cohérence, reconnaît-il. Et ça, c’est vrai que c’est un problème de voter des lois qui affichent des objectifs, alors que ce n’est pas en affichant des objectifs dans les lois qu’on atteint les objectifs. Ce qu’il faut, c’est ensuite mettre en œuvre des moyens. »
Le ministre oublie de rappeler le cas de la saisine du Conseil d’État par la mairie de Grande Synthe. Dans ce cadre, le Conseil d’État a donné trois mois à l’Etat pour justifier son action climatique. Il devra prouver qu’elle est en accord avec son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Soit une réduction de 40% en 2030 par rapport à 1990.
Matthieu Combe