Ce 21 juin, la mission d’information « Fonds marins » du Sénat a rendu sa feuille de route. Au programme : 20 recommandations pour dessiner une politique française des grands fonds marins. Parmi elles, une plus grande association des outre-mers aux décisions, mais pas de moratoire clair sur l’exploitation.
« La mission estime prématuré de se prononcer sur la prospection et l’exploitation des ressources minières », annonce Teva Rofritsch, rapporteur de la mission d’information « Fonds marins » du Sénat, dès les premières minutes de la présentation de son rapport, ce mardi 21 juin. Une feuille de route en vingt points afin de compléter le plan d’investissement France 2030, ainsi que le rapport remis en décembre 2020 par Jean-Louis Levet, concernant l’exploration et l’exploitation des ressources minérales des grands fonds.
Ces vingt recommandations sont le fruit de cinq mois de travail et de 70 auditions afin de clarifier la stratégie de la France en matière d’exploration et d’exploitation éventuelle des grands fonds marins. Si le Sénat exclut tout moratoire sur l’exploitation, comme le recommandait en septembre dernier l’UICN et plusieurs ONG, il recommande de rester précautionneux.
Les fonds marins : la grande inconnue
Au début du mois, la Fondation de la mer révélait dans une étude que la France constitue la plus vaste surface de Zone économique exclusive (ZEE) en zone de grands fonds marins. À savoir 9,5 millions de kilomètres carrés situés en dessous des 1.000 mètres de profondeur, soit 93% de sa surface. Toutefois, le rapport « Abysses, la dernière frontière ? », rendu par le Sénat permet de constater : « Nous connaissons mieux la surface de la lune que celle des grands fonds marins. Alors qu’il est désormais possible d’envoyer des touristes dans l’espace, seuls quatre êtres humains sont allés en deçà de 10.000 mètres de profondeur ».
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François Houiller, directeur général de l’Ifremer va jusqu’à expliquer que les grands fonds constituent « une des dernières frontières de la connaissance ». Ainsi, la mission du Sénat recommande de renforcer les moyens humains et financiers alloués à l’Ifremer ou encore l’Office français de la biodiversité. Elle recommande également de constituer un « pôle d’excellence fonds marins » et un « conseil scientifique sur les fonds marins », afin d’éclairer les décisions politiques à venir. Surtout, la mission « Fonds marins », appelle catégoriquement à intégrer le Parlement et les Outre-mers à toute prise de décision. 97% des grands fonds se situent en effet sur ces territoires.
Trop tôt pour un moratoire sur l’exploitation ?
Devant le manque de connaissances de ces zones sous-marines, la mission d’information refuse de se prononcer en faveur, ou clairement à l’encontre de l’exploitation, notamment minière, des grands fonds. « Le Sénat n’utilise pas le terme de moratoire mais il me semble qu’il arrive aux mêmes conclusions. Nous ne sommes pas en mesure de connaître les impacts sur la biodiversité d’éventuels gisements », explique François Chartier, chargé de campagne océans et pétrole pour Greenpeace et auditionné dans le cadre de cette mission sénatoriale.
Dans le même temps, la mission semble envoyer des signaux plus ambigus. Tout d’abord, afin de formuler cette feuille de route, ses initiateurs ont lorgné du côté de la Norvège, bien décidée à lancer l’exploitation des fonds marins à court terme. « La Norvège a récemment mis en place une feuille de route en vue de l’exploration puis éventuellement de l’exploitation de ses grands fonds marins », constatait la mission le 2 juin dernier. « On voit que les Norvégiens ont envie d’aller vite et cela pourrait créer un précédent et encourager la France à emboîter le pas », craint François Charier. Dans le même temps, le chargé de campagne relève : « Le gouvernement parle d’exploration comme s’il parlait de recherches scientifiques pour une meilleure compréhension du milieu marin. Or, on comprend que ces recherches entrent davantage dans le cadre de prospection minière ».