C’est une victoire pour les associations écologistes. Ce lundi, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé renoncer à une mesure dérogatoire autorisant l’usage des néonicotinoïdes. Ces insecticides, encore utilisés pour protéger les semences de betteraves sucrières, sont des « tueurs d’abeilles”.
Les néonicotinoïdes, c’est terminé. Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré le 23 janvier renoncer à autoriser par dérogation les néonicotinoïdes. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé illégale la mesure dérogatoire autorisant l’usage de ces pesticides. Les agriculteurs les utilisent pour protéger les plantations de betteraves sucrières. “Je n’ai aucune intention de balader les agriculteurs et en particulier ceux qui sont inquiets”, a déclaré le ministre lors d’un point presse à Paris.
Il n’y aura donc pas de “troisième année de dérogation sur l’enrobage des semences de betteraves, c’est terminé, la décision de la Cour de justice (européenne) est suffisamment puissante pour ne pas instabiliser (sic) encore plus le système”, a-t-il assuré. En effet, la Cour a publié le 19 janvier un arrêt. Celui-ci rappelle aux 27 pays membres de l’Union européenne l’interdiction des semences enrobées de néonicotinoïdes. Depuis 2018, l’UE les a interdites de mise sur le marché au sein de son territoire. Néanmoins, une dizaine de pays avaient pris des dérogations pour préserver les rendements sucriers grâce à ces insecticides. Ils s’en servaient pour lutter contre un puceron vecteur de la jaunisse de la betterave.
Les défenseurs de la biodiversité satisfaits
Ces insecticides ont des effets nocifs sur le système nerveux des insectes. Ils figurent parmi les responsables du déclin des colonies d’abeilles. La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a salué cette “grande victoire pour la biodiversité, que nous encouragions et attendions depuis des années”. “Nous étions contre ces dérogations et nous avons toujours étés assez choqués que le gouvernement français ne suive pas les recommandations de la Cour de justice”, a pour sa part claironné l’Union Nationale de l’Apiculture Française (UNAF). “Je trouve malheureux qu’il faille porter le sujet devant la justice européenne alors que le consensus scientifique, réglementaire et politique est depuis de nombreuses années au courant des impacts des néonicotinoïdes”, explique de son côté l’organisme Pollinis.
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Néanmoins, cette décision n’aura pas d’effet immédiat sur l’environnement. ”Cette interdiction va empêcher l’ajout de nouvelles pollutions à celles qui existent déjà dans les sols, les nappes d’eau souterraines et les rivières. Mais les néonicotinoïdes polluent déjà lourdement ces espaces. L’agriculture conventionnelle les a utilisés pendant 20 ans, explique Pollinis. Ce sont des molécules qui persistent dans l’environnement. Cela va prendre un certain nombre d’années avant que la France ne soit plus polluée, tant nous étions arrivés à un niveau de pollution important”.
Les producteurs de betteraves inquiets
Pour autant, les associations de défense de l’environnement prennent tout de même en compte le coup dur que représente cette décision pour les 24.000 producteurs français de betteraves. Ces derniers craignent pour la survie de leurs exploitations. Les semis doivent être plantés en mars prochain. “Comme tous les agriculteurs producteurs de betteraves, la FNSEA est atterrée par les conséquences potentielles de cette décision”, a réagi dans un communiqué la fédération agricole majoritaire en France, qui évoque notamment la “mise en danger de la pérennité des exploitations à quelques semaines des semis”.
Pollinis déclare attendre du gouvernement un “investissement pour aider les agriculteurs et notamment les producteurs de betteraves à s’acheminer vers des alternatives agricoles qui leur permettront de produire dans le respect de l’environnement et sans les néonicotinoïdes. Les alternatives agronomiques et économiques existent depuis longtemps, explique l’organisme à but non lucratif. Maintenant, les politiques doivent accompagner les agriculteurs. Il faut les aider à mettre en œuvre ces solutions avec des formations et des aides financières”. Le gouvernement a déjà annoncé des aides pour soutenir la filière à travers un « dispositif qui permettrait de couvrir le risque de pertes », le temps de trouver des « alternatives ».