Le Haut Conseil pour le climat publie son rapport annuel 2020 « Redresser le cap, relancer la transition ». L’étude porte sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre en France et les politiques climatiques. L’organisme appelle le gouvernement à des changements structurels et à préparer un plan de reprise compatible avec l’Accord de Paris.
« Les premières dispositions du gouvernement en réponse à la crise du COVID-19 ne vont pas dans le sens des recommandations du Haut Conseil pour le climat », alerte le Haut Conseil pour le climat (HCC) à l’occasion de la publication de son rapport annuel 2020. L’organisme a vocation à apporter un éclairage indépendant sur la politique du gouvernement en matière de climat. Ainsi, il juge sévèrement les plans de soutien de 7 milliards d’euros pour Air France et de 5 milliards d’euros pour Renault. Et pour cause, il avait déjà appelé à des contreparties climatiques et sociales fortes. « Les dispositions sont peu contraignantes et n’incluent pas de mesures d’évaluation », regrette l’organisme qui note que « les entreprises françaises pourraient être sollicitées plus fermement par des mesures contraignantes ».
Davantage d’annonces mais peu de changements structurels
Le Haut Conseil pour le climat constate « des progrès dans la gouvernance, un accroissement des annonces mais pas d’avancée structurelle quant au rythme de baisse des émissions. » Malgré les effets d’annonce, le gouvernement peine ainsi à prendre des actions efficaces. « Les émissions de la France ont diminué de 0,9 % en 2019, ce qui est similaire aux années précédentes et loin des –3 % attendus dès 2025″, déplore le HCC. Ce manquement concerne l’ensemble des quatre grands secteurs émetteurs : le transport, l’agriculture, le bâtiment et l’industrie.
La baisse des émissions de CO2 a atteint jusqu’à −34 % en France durant le confinement, rapporte Le Parisien. Mais cette chute spectaculaire et temporaire n’aura que peu d’effet sur le changement climatique. En l’absence de changements structurels des systèmes économiques, de transport ou d’énergie, les émissions repartiront de plus belle. C’est pourquoi le HCC exhorte le gouvernement à réellement prendre en compte la lutte contre le changement climatique dans le plan de reprise à venir. Ceci constitue une condition sine qua non pour diminuer les émissions de façon pérenne.
Des propositions pour des changements structurels
Le temps n’est plus aux fausses promesses. Le gouvernement sera jugé sur ses actes. « La définition d’un plan de reprise compatible avec les objectifs de transition bas-carbone […] sera la mesure réelle de l’attention portée au climat », prévient le HCC. Ce plan structurera les émissions des prochaines années et doit préparer la mutation de l’économie. Le HCC invite en premier lieu le gouvernement à écarter toute mesure favorable aux secteurs carbonés. Au premier rang des priorités, le HCC hisse la rénovation énergétique et les énergies renouvelables. Tout comme l’a fait la Convention citoyenne pour le climat.
L’organisme appelle aussi à augmenter les investissements dans les transports publics et les infrastructures de mobilité douce. Pour l’industrie, le HCC invite à développer les mesures d’efficacité énergétique et d’électrification et la R&D. Enfin, pour l’agriculture, sa priorité consiste à augmenter le stockage de carbone dans les sols et à développer les protéines végétales.
La transition juste passera par l’échelon régional
Devant les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron a promis de réunir les associations d’élus. Objectif : discuter des propositions dépendant des collectivités et intégrer leurs réflexions dans le projet de loi qui en découle. « Les régions ont un rôle de cheffes de file dans la lutte contre le changement climatique », estime le HCC. C’est à cet échelon que devront se coordonner les actions. Et ce, afin de mettre en cohérence l’ensemble des politiques régionales et infra-régionales avec les objectifs climatiques.
« Au niveau de la région comme ailleurs, le climat doit devenir un cadre de référence de l’action publique », prévient le HCC. Ainsi, les régions devront s’attaquer aux émissions de gaz à effet de serre en prenant en compte les disparités régionales. Et ce, pour assurer la « transition juste », c’est-à-dire en considérant les questions de vulnérabilité, d’emploi et de bien-être. Voici une condition essentielle pour espérer « la reprise d’un débat nécessaire sur la tarification du carbone », avertit le HCC. Il conclut que « la transition juste est un enjeu politique qui appelle une redevabilité exemplaire de l’État ».
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du magazine Natura Sciences