Après la défaite des écologistes et de La France insoumise à l’élection présidentielle, des négociations et discussions sont en cours pour préparer les législatives. Si la gauche parvient à former une majorité, une cohabitation viendrait à chambouler la politique d’Emmanuel Macron. Son programme écologique prendrait une autre trajectoire. Décryptage avec le politologue Daniel Boy.
Après l’étape de la présidentielle, l’heure est à la préparation des législatives. La France insoumise (LFI) et Europe Écologie – Les Verts (EELV) ne comptent pas revivre une défaite. « Ce quinquennat ne doit pas être un quinquennat d’inaction climatique (…). Nous appelons toutes les forces de gauche et écologistes à se rassembler pour esquisser une majorité alternative qui défende le climat, la justice sociale, les libertés, la solidarité et la démocratie », a annoncé EELV dans un communiqué.
Pour contrer la politique d’Emmanuel Macron, les écologistes et les partis de gauche visent la cohabitation. Ce système politique obligerait le président de la République à adopter le programme de la majorité. « Emmanuel Macron n’aurait pratiquement plus rien à dire », affirme Daniel Boy, directeur de recherche émérite au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF).
Une autre politique écologiste
Des négociations sont en cours entre LFI, le Parti communiste français (PCF) et EELV en vue d’un rassemblement. Le Parti socialiste (PS) a quant à lui rencontré les insoumis mercredi matin. Ce vendredi matin, le Parti socialiste (PS) a annoncé « souscrire aux propositions de La France insoumise » en vue des élections législatives après des discussions entre les deux partis qui se sont révélées très efficaces. Tout repose désormais sur la concrétisation de leur entente. Car si la gauche parvient à s’accorder pour viser la majorité à l’Assemblée nationale, l’écologie prendrait une autre tournure pour les cinq ans à venir. « La politique des écologistes et de La France Insoumise n’est pas très différente », rappelle le politologue Daniel Boy. Leur programme propose notamment la sortie du nucléaire, la lutte contre l’artificialisation des sols ou une politique accentuée sur le zéro déchet.
Toutefois, certaines propositions des deux partis sont également similaires aux annonces du Gouvernement ou du président de la République lui-même. La rénovation de 700 000 logements par an, la nationalisation d’EDF ou l’objectif de zéro artificialisation des sols en 2050 comptent aussi parmi les promesses de Emmanuel Macron. Ce dernier a par ailleurs repris l’idée de Jean-Luc Mélenchon en annonçant lors d’un meeting à Marseille le 16 avril dernier la nomination d’un Premier ministre en charge de la transition écologique en cas de réélection. Si quelques noms potentiels circulent actuellement pour ce poste, Daniel Boy est formel : « On ne peut pas imaginer que quelqu’un d’EELV accepte de devenir premier ministre d’Emmanuel Macron. Il serait immédiatement rejeté par le parti. »
Lire aussi : Qu’est-ce que la planification écologique promise par Macron ?
Des négociations en cours
Mais les écologistes ont-ils une chance d’accéder au gouvernement ? Encore faudrait-il qu’EELV puisse obtenir un nombre de sièges suffisant à l’Assemblée nationale. Selon Daniel Boy, cela dépendra des accords conclus entre LFI et EELV quant à la réservation de circonscriptions. Lors d’un échange entre les deux partis mardi 27 avril, Julien Bayou, secrétaire général d’EELV a dénoncé la volonté de LFI de vouloir « le quasi effacement des candidats des écologistes ». « Le nombre de députés importe. Nous avions d’abord demandé 32 circonscriptions sur les 100 meilleures. On nous a répondu 16 ». Puis, dans un document envoyé à 22h mardi dernier, les écologistes ont finalement revu leurs objectifs à la baisse en demandant 20 circonscriptions.
Cette stratégie d’alliance a déjà été menée lors des élections de 1997 et de 2012 entre les Verts et le parti socialiste (PS). « En 2012, la transition écologique était déjà en projet entre les Verts et le PS », explique le directeur de recherches. Cette année-là, le PS a convenu de ne pas se présenter dans 85 circonscriptions, réservant celles-ci aux candidats des Verts. Un accord qui a engendré des scores plutôt encourageants pour les écologistes. « Cela a permis l’élection d’une quinzaine de députés écolos et donc la création d’un groupe parlementaire, ce qui est plutôt important », contextualise Daniel Boy.
Mais si les Verts réalisaient à l’époque l’équivalent du score du PS dans les circonscriptions réservées, la même situation se reproduirait aujourd’hui selon le politologue. « Précédemment, les Verts s’accoudaient avec le PS. Aujourd’hui, ils vont s’accouder avec La France Insoumise mais cela ne garantit rien quant aux scores qu’ils vont réaliser », appuie-t-il.
Lire aussi : Emmanuel Macron : la séduction verte est en marche
Des divergences écologiques
Si LFI et EELV semblent se compléter sur le thème de l’écologie, il existe toutefois un hic. « Tout le monde n’est pas d’accord pour une alliance avec LFI parce qu’ils ne partagent pas les mêmes positions internationales, notamment sur l’Europe », détaille Daniel Boy. À titre d’exemple, l’ex candidat Jean-Luc Mélenchon souhaite quitter l’OTAN contrairement à Yannick Jadot. L’eurodéputé préfère quant à lui s’y maintenir « tant qu’il n’existe pas de défense européenne », avait-il indiqué plus tôt. « S’ils passent au-dessus de ces désaccords, cela poserait un problème au moment où ils gouverneraient », indique le directeur de recherche.
Selon lui, une possible coalition entre les deux partis « n’empêchera pas » la candidature d’un candidat du PS. « Si le PS s’accorde avec LFI, ce n’est pas évident », glisse Daniel Boy. Car au niveau écologie, le PS n’adopte pas toujours les positions qu’EELV, notamment sur le nucléaire. Tout comme le PCF, le PS reste favorable au maintien du nucléaire. Un point similaire aux positions d’Emmanuel Macron, ayant annoncé en février dernier la construction de six nouveaux EPR d’ici 2040. Ces divergences amènent Daniel Boy à se montrer « sceptique » quant à une possible élection des écologistes aux législatives.
La position de Yannick Jadot
Mardi 26 avril, sur France Inter, le candidat d’EELV a déclaré que les écologistes soutiendront le président de la République « s’il décide enfin d’agir pour le climat ». Une action « improbable » pour Daniel Boy. « Emmanuel Macron n’a pas besoin du soutien de Yannick Jadot, surtout dans la mesure où il n’a pas réussi à faire 5%, », relève le politologue. Les propos de l’eurodéputé contrastent avec sa prise de parole le 19 janvier dernier au Parlement européen. Alors qu’Emmanuel Macron venait de prendre la présidence de l’Union européenne : « Vous resterez le président de l’inaction climatique », l’avait-il interpellé.
Quant à EELV en lui-même, Daniel Boy ignore comment le parti pourrait apporter son soutien au président. « C’est la mort assurée, a-t-il lancé. Le parti n’a jamais envisagé de soutenir une action qui viendrait d’autre chose que de la gauche. Et Emmanuel Macron n’est pas à gauche ». En vue d’une alliance, l’heure reste encore aux négociations.