Emmanuel Macron a annoncé ce vendredi la sortie de la France du Traité sur la Charte de l’Énergie. Ce traité bloquait la transition énergétique selon les experts et les écologistes. Explications.
Alors que plusieurs pays européens, tels que l’Espagne, la Pologne et les Pays-Bas, étaient sortis de ce traité, la France patinait. Pourtant, selon le Haut Conseil pour le Climat, l’heure n’est plus à la procrastination. Selon l’instance consultative indépendante française, la modernisation du Traité, actuellement en discussion au sein de l’Union européenne, ne répond pas à l’urgence climatique. Ce vendredi, Emmanuel Macron a annoncé la sortie de la France du TCE au terme du sommet européen de Bruxelles.
Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a publié ce mercredi son avis sur la modernisation du Traité sur la Charte de l’Énergie (TCE). Cet accord international de commerce et d’investissement, a été signé en 1994 par une cinquantaine de pays. Il donne la possibilité aux investisseurs d’attaquer en justice les gouvernements dès lors que ces derniers modifient leurs politiques énergétiques dans un sens contraire à leurs intérêts. Une option qui apparaît pour beaucoup comme un non-sens écologique aujourd’hui et qui paralyse les objectifs de la transition énergétique. La France a par exemple été attaquée par l’entreprise allemande Encavis AG en septembre dernier au nom du TCE. Et ce, car le gouvernement français, en 2020, avait réduit ses tarifs de rachat de l’électricité photovoltaïque.
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Un alignement impossible avec l’Accord de Paris
Face aux critiques, l’Union européenne avait consenti à accepter un processus de modernisation du TCE. « La modernisation est un processus qui a été enclenché en 2018 par la Commission européenne. Aligner ce traité avec l’Accord de Paris n’est plus possible car pour cela il aurait fallu arrêter, dès 2018, le soutien aux énergies fossiles », explique Yamina Saheb, experte des politiques d’atténuation du changement climatique à OpenExp, co-autrice du troisième volet du dernier rapport du Giec sur l’atténuation au changement climatique.
« Nous n’avons pas besoin de ce Traité. Il ne sert à rien et la crise énergétique que nous vivons actuellement est là pour nous le rappeler », ajoute Yamina Saheb. « Pourquoi se casser la tête à le moderniser ? Ce dont nous aurions besoin, c’est plutôt d’un traité de non-prolifération des énergies fossiles. Là nous serions conformes avec l’Accord de Paris », juge-t-elle.
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Pour un retrait coordonné
L’avis du Haut Conseil pour le Climat sur la modernisation du TCE est clair. L’instance recommandait bel et bien « un retrait coordonné du TCE par la France et les États membres de l’UE ». Pour le HCC, la modernisation du TCE sera insuffisante pour limiter la hausse des températures à 1,5 °C d’ici 2100.
« Pour moi, l’un des messages les plus importants du HHC, c’est que même modernisé, le Traité est incompatible avec le calendrier de la neutralité carbone, partage Yamina Saheb. Le HCC recommandait donc à la « France de se retirer et d’appeler les autres pays européens à le faire ». Selon l’experte, le Traité limite la souveraineté de la France sur sa politique énergétique.
La France était en retard
Dans une lettre adressée au gouvernement français ce mercredi, une trentaine d’organisations de la société civile demandaient la sortie du Traité sur la Charte de l’Énergie. « Nos organisations invitent toutes celles et ceux que ce Traité révolte à nous rejoindre pour appeler solennellement le gouvernement français à ce que la France se retire du TCE, vote contre le projet de nouveau Traité sur la charte de l’énergie », peut-on lire. Parmi les organisations on trouve notamment Bloom, les Amis de la Terre, Alternatiba ou encore Attac France.
« Certains négociateurs, les Français notamment, pensent qu’il ne faut pas priver les autres pays de la modernisation de ce Traité », explique Yamina Saheb. « Le plus important était que la France annonce sa position parce que nous étions en retard. Nous étions les premiers de la classe parce qu’en 2020, Bruno Le Maire (actuel ministre de l’Économie, NDLR) avait le leadership d’un courrier envoyé à la Commission européenne où il demandait de lui faire une évaluation des implications légales de notre retrait collectif de ce traité », dit-elle. « Et là maintenant nous sommes les cancres de la classe, nous sommes parmi les derniers. Le silence de la France était ridicule », regrette-t-elle.