Le Haut Conseil pour le climat invite à préparer l’adaptation à un réchauffement de +4°C en France d’ici la fin du siècle. Cette question sera au cœur du colloque « Quand la métropole se réchauffe de +4°C, le 5 juillet prochain à l’Académie du Climat à Paris.
« 2022 a été emblématique de l’intensification des effets du changement climatique en France », explique Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le Climat (HCC), à l’occasion de la parution de son cinquième rapport annuel « Acter l’urgence, engager les moyens » ce 28 juin 2023. C’est une année record, exceptionnellement chaude avec +2,9°C de température moyenne par rapport à l’époque préindustrielle avec trois vagues de chaleur, un déficit de précipitations important de -25% par rapport aux 30 dernières années en France métropolitaine, alors que les outre-mers tropicaux ont enregistré de fortes précipitations avec d’importantes inondations. »
Vers un réchauffement de +4°C d’ici 2100
Le changement climatique est bien une réalité et la France se réchauffe plus que la moyenne planétaire. Si la Terre s’est réchauffée de 1,1°C sur la dernière décennie, la France s’est quant à elle réchauffée de 1,9°C. « La France est particulièrement exposée aux conséquences du changement climatique mais n’est pas prête à y faire face », prévient Corinne Le Quéré. Elle ajoute : « +4°C de réchauffement en France est projeté vers 2100 sur la base des politiques actuelles, avec des années plus extrêmes encore. Le record de température en 2022 serait la température moyenne à l’horizon 2050-2060 pour un réchauffement planétaire à 2°C. »
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Le gouvernement retient finalement le scénario d’un réchauffement de +4°C du climat de la métropole dans son prochain plan national d’adaptation au changement climatique. Pour explorer les conséquences d’un tel réchauffement et les moyens de s’y adapter, l’association des journalistes de l’environnement (AJE) organise le colloque « Quand la métropole se réchauffe de +4°C » le 5 juillet prochain à l’Académie du Climat à Paris, en partenariat avec Natura Sciences. Le colloque est gratuit, peut être suivi en ligne ou en présentiel sur inscription.
Des impacts majeurs qui s’amplifient
La matinée du colloque permettra de faire un point scientifique des conséquences physiques, sociétales et les nouveaux risques liés à un tel réchauffement. Et ce, alors que les conséquences se multiplient. 2022 a en effet entraîné des impacts graves sur les personnes, les activités économiques, les infrastructures et les écosystèmes. Les vagues de chaleur estivales ont notamment induit plus de 2.800 décès, les dommages ont entraîné pour les assureurs un coût de 2,9 milliards d’euros. Corinne Le Quéré énumère : « La sécheresse des sols exceptionnelle a touché les trois quarts du territoire métropolitain, 72.000 hectares ont brûlé. Le rendement de la production agricole a baissé de 10 à 30%. La production hydroélectrique a baissé de 20% (par rapport à 2015-2019). »
Sur l’année, plus de 2.000 communes ont connu de fortes tensions pour s’approvisionner en eau potable, 20.000 ont fait des demandes pour la reconnaissance de catastrophe naturelle à cause de la sécheresse du sol. Finalement, 65 cas de dengue autochtones ont été identifiés, répartis en 9 foyers de transmission en France. Le moustique tigre, vecteur de la maladie, est désormais présent dans 72 départements.
Quelle adaptation pour l’agriculture, le bâtiment quels financements?
Si la baisse des émissions de gaz à effet de serre brutes du pays se poursuit (-2,7%), elle reste majoritairement due à des raisons conjoncturelles. Alors que l’Europe a rehaussé son objectif de réduction des gaz à effet de serre à -55% en 2030, la France devra fortement renforcer le rythme de réduction des émissions dans tous les secteurs. On parle d’un facteur 3,5 à 5 pour le secteur des transports et de l’énergie, de 1,25 à 3,5 pour l’agriculture, entre 1,4 et 1,6 pour l’industrie et de 1,2 pour le bâtiment. « Et les puits de doivent fortement augmenter, alors qu’ils diminuent », ajoute Corinne Le Quéré.
Concernant l’action publique sur le climat, le HCC estime que si le cadre d’action se construit et mobilise les parties prenantes, « la cohérence et l’alignement des stratégies avec les objectifs climatiques ne sont cependant pas assurés ». « Les dispositifs de suivi et d’évaluation sont aussi souvent incomplets », poursuit Corine Le Quéré. C’est notamment le cas du bâtiment où les objectifs de rénovation globales ne sont pas atteints.
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L’institution appelle à « une politique économique d’ampleur permettant de déclencher l’accélération nécessaire ». « Un soutien public supplémentaire est nécessaire pour atteindre environ 30 milliards d’euros par an en 2030, tous secteurs confondus, soit la moitié des financements publics et privés nécessaires », ajoute la climatologue. Ce besoin est à comparer aux dépenses défavorables au climat, qui comprennent 43 milliards d’euros prévus pour le bouclier tarifaire en 2023, 10 milliards d’euros pour les niches fiscales et 6,3 milliards d’euros pour d’autres dispositifs.
Quels leviers actionner pour y parvenir ? L’après-midi du colloque du 5 juillet s’intéressera à la résolution des problèmes les plus immédiats pour la métropole. Il sera notamment question de gestion de l’eau en agriculture, de rénovation des bâtiments et de financement de l’adaptation pour les collectivités. Les intervenants feront plusieurs propositions pour accélérer l’action, renforcer les incitations et les moyens financiers.