La précarité énergétique revêt une importance particulière dans le contexte actuel de crise énergétique et d’urgence climatique. Alors que cinq millions de Français vivent dans des passoires thermiques, la Fondation Abbé Pierre, l’initiative Rénovons ! et les militants de Dernière Rénovation appellent le gouvernement à réellement s’emparer du sujet.

Cinq millions de personnes vivent dans des passoires thermiques en France. Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique, un quart des ménages disent avoir eu du mal à régler leurs factures de gaz ou d’électricité en 2021. Contre 10 % en 2019. En deux ans, le nombre de Français qui ont restreint leur chauffage pour juguler leurs dépenses a doublé. Avant l’affaiblissement du bouclier tarifaire et la hausse des prix de l’énergie de 15 % en 2023, la Fondation Abbé-Pierre, plaide pour « une revalorisation du chèque énergie et des APL, une interdiction des coupures d’électricité et un investissement massif dans la rénovation énergétique ».
En attendant, nombreux sont ceux à regretter la léthargie du gouvernement sur la question des passoires thermiques. Ce dimanche 5 décembre, neuf citoyens engagés avec Dernière Rénovation ont bloqué, aux alentours de 9h, le périphérique parisien au niveau de la Porte de Gentilly. La circulation a été interrompue pendant plus d’une heure. Alors que le gouvernement soutient un projet de loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite, Dernière Rénovation exige de l’État qu’il protège sa population du froid et de la faim grâce à un grand plan de rénovation thermique des bâtiments.
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Pour une justice énergétique contre les passoires thermiques
« Dernière Rénovation » est une campagne de résistance civile qui vise à faire pression sur le gouvernement français afin qu’il mette en place un plan « ambitieux » de rénovation thermique à horizon 2040. « Cette pression se fait à travers la création d’un rapport de force, c’est-à-dire le blocage des routes », explique Victor, 25 ans, militant pour Dernière Rénovation. Selon lui, le gouvernement n’agit pas du tout à hauteur de l’urgence climatique. « Le gouvernement préfère légiférer sur l’occupation des logements plutôt que de légiférer sur la précarité énergétique. Ils ne veulent pas s’en occuper », peste-t-il.
Après plusieurs mois d’activisme au sein de Dernière Rénovation, Victor se dit marqué par les témoignages des victimes de la précarité énergétique. « Un monsieur a fait une grève de la faim pendant 40 jours pour qu’enfin on accepte de le reloger. Il vivait dans des conditions difficiles. Lui et sa famille étaient tout le temps malades à cause de la moisissure », raconte Victor. « Une étudiante m’a expliqué qu’elle n’arrivait pas à dormir et qu’elle devait prendre trois couvertures ». Pour le militant, ce sont ces conditions de logements indignes qui l’ont poussé à s’engager, alors que rien ne le prédestinait à militer. « En hiver, 2.200 personnes meurent chaque année à cause du froid dans leur logement », alerte-t-il.
Le gouvernement pointé du doigt
Depuis 2016, Daniel Dubreuil coordonne le collectif Rénovons créé dans l’optique de pousser le gouvernement français à la rénovation des passoires thermiques pour faire reculer la précarité énergétique en France. L’initiative Rénovons se dit « critique et désolée » de la politique d’aide à la rénovation énergétique du gouvernement. Selon ce collectif, elle ne promeut pas les bonnes opérations. « Aujourd’hui le système d’aide MaPrimeRénov’ finance à 86% les changements de chaudière. Mais ça, ce n’est pas de la rénovation énergétique », déplore Daniel Dubreuil. Il précise : « Aujourd’hui en France, la rénovation est cadrée par la loi climat et résilience. Il faut qu’elle ait un vrai impact sur la consommation d’énergie et sur les émissions de gaz à effet de serre ». Daniel Dubreuil pointe du doigt les lobbies et les propriétaires. Selon lui, ils espèrent louer leur appartement sans que cela ne compromette leur rentabilité, ne favorisant pas les rénovations thermiques.
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« Nos critiques principales finalement sont que les aides ne financent pas les bonnes réponses à la crise énergétique, aux impératifs de sobriété », insiste Daniel Dubreuil. Selon lui, elles ne génèrent pas de baisses d’émissions de CO2 significatives. Et l’État ne semble pas se pencher sur le problème. « Ce que nous avons obtenu, nous l’avons eu en insistant. Prenons l’exemple de l’interdiction de locations des passoires énergétiques de la loi énergie climat. Ce n’est pas du tout leur proposition, c’est nous qui avons poussé pour cela. C’est l’une des seules propositions sauvées de la Convention Citoyenne pour le Climat ». À partir du 1er janvier 2025, les logements étiquetés G ne pourront donc plus être mis en location. Ils seront rejoints par les passoires thermiques classées F à compter du 1er janvier 2028 et par les étiquettes E en 2034.
L’Île-de-France particulièrement touchée
En octobre dernier, la Fondation Abbé Pierre a présenté son éclairage sur « l’État du mal-logement en Île-de-France ». Ainsi, la région représente 18% de la population nationale mais concentre, à elle seule, 24 % des ménages vivant dans des passoires thermiques. Les ménages modestes et pauvres sont les plus touchés : huit enfants de familles pauvres sur dix vivent dans un logement surpeuplé et les 2/3 des ménages en vulnérabilité énergétique sont sous le seuil de pauvreté.
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La Fondation Abbé Pierre déplore qu’aucune politique durable et suffisamment ambitieuse n’ait été mise en œuvre pour inverser la tendance sur le fond du mal-logement. Alors même que certains arbitrages alimentent eux-mêmes les causes du mal-logement. Dans son 27ème rapport sur le mal-logement en France publié en début d’année, la Fondation appelait déjà à éradiquer les passoires thermiques.