Le plan de sobriété des usages de l’eau présenté ce jeudi 30 mars par Emmanuel Macron à Savines-le-Lac, en période de contestation à propos des méga-bassines, n’a pas convaincu les agriculteurs. La Confédération paysanne notamment déplore des mesures peu ambitieuses vis-à-vis de la sobriété des usages.
Jeudi 30 mars, Emmanuel Macron a présenté à Savines-le-Lac le « Plan eau » . Il appelle notamment tous les secteurs économiques à la sobriété, visant à réduire de 10 % les prélèvements d’eau d’ici à 2030. Le même jour, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a toutefois affirmé devant le syndicat majoritaire FNSEA à Angers que l’agriculture, très consommatrice d’eau, n’aura pas à baisser ses prélèvements pour irriguer les cultures. Ce plan est jugé « trop vague » tant par la FNSEA que par la Confédération paysanne qui se disent prêts à participer à la sobriété. Si les problématiques de l’accès à l’eau en agriculture ont été évoquées dans ce Plan eau, « cette prise de conscience n’a pas été traduite en mesures concrètes et efficaces », regrette Greenpeace France.
Un texte pas à la hauteur des enjeux liés à l’eau
Pour les agriculteurs, avec ce Plan eau, le gouvernement ne se pose pas les bonnes questions. Ils estiment que la sobriété passe au second plan, au profit des enjeux financiers. « Ce que je pense, c’est qu’en terme agricole, ce Plan eau loupe le coche », regrette Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne. « On nous explique que l’objectif de réduire de 10 % les prélèvements d’eau d’ici 2030 ne s’appliquera pas au secteur agricole. Cela nous pose problème ». Il précise : « Ne pas avoir dès aujourd’hui l’ambition d’un monde agricole plus propre, dans une logique de préservation des ressources et d’adaptation est un risque. Nous prenons le risque que la situation s’aggrave dans 10 ou 15 ans ». Pour le porte-parole, le signal envoyé est « négatif » et consiste à produire toujours plus, car « cela est nécessaire pour l’économie ».
Le gouvernement propose 30 millions d’euros par an pour aider les agriculteurs à économiser leur usage de l’eau et pour soutenir des pratiques agricoles économes en eau. Comme l’irrigation au gouttes à gouttes, la mise en place de modèles d’irrigation intelligents ou encore le développement de filières peu consommatrices en eau. Mais pour Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA, les aides proposées sont « très insuffisantes » au regard du coût des matériels à acquérir.
Des agriculteurs ménagés
L’ancien candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot a qualifié vendredi de « plan qui maintient l’ébriété » la stratégie de gestion de l’eau présentée la veille par Emmanuel Macron. « C’est la fuite en avant: en fait ce n’est pas un plan de sobriété, c’est un plan qui maintient l’ébriété dans la consommation de l’eau dans notre pays », a déclaré l’eurodéputé sur franceinfo. Tout comme les syndicats agricoles, Yannick Jadot estime que ménager les agriculteurs est une erreur. « Mettre de côté le secteur qui, l’été, consomme 80% de l’eau, c’est quand même un déni absolu des réalités », dit-il.
De son côté, Greenpeace France fustige également le manque d’ambition et de considération du Plan eau concernant le secteur agricole. “Emmanuel Macron n’a pas du tout mentionné le système d’élevage français, au cœur des enjeux liés à l’eau : il passe ainsi à côté du problème en omettant ce sujet crucial », déplore Sandy Olivar Calvo, chargée de campagne Agriculture à Greenpeace France. « L’élevage industriel est non seulement particulièrement gourmand en eau mais en plus, il fait peser de graves menaces sur la qualité de l’eau », explique-t-elle. Elle précise : « Il existe une nette corrélation entre la concentration de nitrates dans les eaux de surface et la densité des élevages, avec pour conséquences l’eutrophisation des milieux aquatiques (prolifération d’algues vertes) et une contamination de l’eau potable (environ 25% de l’exposition alimentaire aux nitrates provient de la consommation de l’eau de boisson) ».
Une question de souveraineté alimentaire
Le chef de l’État a réaffirmé l’utilité des stockages artificiels d’eau pour les agriculteurs, du type de celui de Sainte-Soline (Deux-Sèvres), où des affrontements très violents ont eu lieu fin mars 2023. Mais les prochains devront mieux prendre en compte la raréfaction de l’eau. Malgré cela, cette déclaration ne convainc pas. Avec un compteur affichant 58% de la consommation totale d’eau douce, loin devant la production d’eau potable (26%), le refroidissement des centrales électriques (12%) et l’industrie (4%), l’agriculture doit faire sa part. Le président de la République demande simplement aux agriculteurs de faire plus d’irrigation avec la même quantité d’eau.
La FNSEA et la Confédération paysanne regrettent que le plan eau du gouvernement ne supprime pas les contraintes administratives, comme celle du calendrier, qui limite la possibilité de stocker l’eau entre le 1er novembre et le 31 mars. « Nous sommes d’accord pour la sobriété, mais aujourd’hui, avec le climat qui se détraque, les pluies ne correspondent plus aux saisons. Il faut faire preuve de souplesse et sortir de ces carcans réglementaires. Les préfets devraient avoir la possibilité au vu de la réalité des pluies de donner ou pas le feu vert au stockage », estime Nicolas Girod. « Nous parlons beaucoup de souveraineté alimentaire. Mais nos productions sont déficitaires, notamment sur les fruits et légumes. Nous ne pourrons pas dégager des volumes d’irrigation suffisants sans revoir notre gestion de l’eau. Le maïs ou certaines céréales sont très gourmandes en eau« , conclut-t-il.