La France ne dispose d’aucune vraie politique nationale publique pour développer le vélo dans les trajets domicile-travail. Dans sa nouvelle note, La Fabrique Écologique dresse 3 propositions pour créer « une politique publique ambitieuse pour la petite reine ».
En France, le développement de l’automobile et des deux-roues motorisés ont relégué le vélo au banc des oubliés. Selon l’INSEE, la part modale du vélo pour les trajets domicile-travail n’était de 1,9% en 2015. La France ne consacre que 0,01 € de son budget par an et par habitant pour le vélo. Contre 1,24 € pour les Allemands et 4,82 € pour les Danois.
Le retard français est considérable. Et pourtant, le vélo est un mode de déplacement écologique, performant, avec un bénéfice socio-économique positif et un bilan sanitaire décisif. Le Plan Vélo issu du Grenelle de l’Environnemen visait l’augmentation de la part modale du vélo de 1% par an jusqu’en 2020, pour atteindre 10%. L’objectif fixé par la Stratégie de développement de la mobilité propre, prévoit pour une part modale vélo à 12,5% en 2030. Il va falloir travailler dur pour y parvenir.
Des freins importants au développement du vélo
Pourquoi le vélo séduit-il si peu ? En cause, un urbanisme structuré autour du tout-voiture et l’absence d’un « écosystème vélo ». Le réseau cyclable manque de continuité, n’est pas hiérarchisé et est souvent mal entretenu. Les places de stationnement manquent. Cela concerne aussi bien les places occasionnelles (par exemple devant les commerces), celles en gare (dits d’intermodalité) ou chez les particuliers. Il n’existe aucune vraie stratégie nationale, les compétences locales et nationales s’enchevêtrent et les incitations manquent. Par ailleurs, Il existe d’importants freins sociologiques. Le risque d’accident et la crainte du vol sont les deux premiers leviers contre lesquels les pouvoirs publics pourraient agir.
La Fabrique Écologique souligne que passer d’une distance annuelle parcourue par les Français de 75 km à au moins 250 km/an permettrait d’économiser 15 milliards d’euros en santé publique. Car « faire du vélo n’est pas dangereux pour la santé » … malgré la pollution et les risques d’accident. En effet, de nombreuses études convergent pour affirmer que le bénéfice sanitaire global d’une augmentation de la pratique du vélo est très largement positif par rapport aux « coûts » induits. Le phénomène observé de « sécurité par le nombre », montre qu’une fois atteint un seuil critique de cyclistes circulant au quotidien, l’accidentologie baisse. Toutes pratiques du vélo confondues, 150 cyclistes sont décédés en 2015.
Lire aussi : Le vélo électrique pliant pour booster la mobilité douce?
Développer une véritable stratégie nationale vélo
Pour l’essentiel, les politiques cyclables se mènent au niveau local pour développer les infrastructures. Mais la transition cyclable a besoin d’une impulsion nationale forte au niveau de l’Etat. Ce n’est pas le cas. Les moyens et la capacité d’agir de la Coordination Interministérielle pour le Développement de l’Usage du Vélo (CIDUV) restent extrêmement limités. L’investissement national dans les politiques cyclables est quasi-inexistant. Il passe essentiellement par des subventions à des associations pour un montant d’environ 300.000 euros par an.
Les rapporteurs préconisent la création d’une Mission Interministérielle Vélo (MIV) avec des missions de pilote stratégique à l’échelle nationale. La Fabrique Écologique propose de la doter d’un vrai pouvoir et d’un budget de 40 millions d’euros. Elle serait financée via une taxe sur les ventes des constructeurs de véhicules automobiles et de motos à hauteur de 0,001% du chiffre d’affaires réalisé sur les ventes en France.
La MIV lancerait des appels à projet ou à expérimentation et ferait également évoluer les dispositifs de soutien au vélo. Dès sa création, elle lancerait une grande campagne de communication pour sensibiliser les Français à l’usage du vélo. Par ailleurs, elle serait en charge de veiller à la cohérence du développement des infrastructures vélo dans les territoires, pour assurer un réseau continu, des places de stationnement sécurisées et pour sensibiliser le secteur touristique et les hôtels à l’accueil des cyclistes.
De faibles dispositifs d’incitation
Il n’existe que deux dispositifs d’incitation à l’usage du vélo pour les trajets domicile-travail. Et ils sont assez modestes. Le premier permet à une entreprise de mettre à disposition de ses salariés des vélos, avec un crédit d’impôt de 25%. Il n’a pas de caractère obligatoire. Le deuxième, l’Indemnité kilométrique Vélo (IkV) a été créée par la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, publiée le 17 août 2015. Il est également facultatif. L’IkV est cumulable avec le remboursement de l’abonnement de transports publics. Il s’élève à 0,25€ par kilomètre avec un plafond annuel de 200 €. La Fabrique Écologique propose de la rendre obligatoire et de rehausser son plafond à 400 €.
Lire aussi : Le vélo électrique obtient une aide de 200 euros
Le vélo ne peut pas concurrencer avec les dispositifs de soutien existants pour la voiture et les deux-roues motorisés. Ceux-ci concernent notamment la fourniture d’un véhicule de fonction et le versement d’une indemnité kilométrique. Mais aussi l’abattement d’impôt sur le revenu par déclaration des kilomètres parcourus en tant que frais réels. Les montants de l’indemnité kilométrique pour les véhicules motorisés sont « très surévalués, de moitié environ, relativement à la réalité des coûts », estiment les auteurs. Ils constituent « une niche fiscale nuisible à l’environnement » pouvant atteindre plusieurs milliers d’euros par an.
La FabriqueÉcologique propose donc d’instaurer un Budget Unique Mobilité. Il permettra de rééquilibrer les incitations financières entre les différentes mobilités (y compris la marche à pied!). Il serait indépendant du mode de transport choisi et serait compris entre 100 et 200 euros par salarié et par an. Les auteurs proposent d’en profiter pour étudier la possibilité d’inclure dans cette réforme une suppression des dispositions qui permettent aux entreprises de rémunérer leurs cadres en voitures de fonction.
Et si la Sécurité Sociale créait un Fonds d’investissement?
Une autre proposition de la Fabrique Écologique consiste à créer un « Fonds d’investissement dans les Mobilités Actives ». Il serait notamment porté par le Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS) en tant que premier bénéficiaire des gains financiers apportés par une réduction de la sédentarité. La rentabilité attendue pour la CNAMTS seule est de 5 % par an, assurent les rapporteurs de la note. En incluant les autres Caisses d’Assurance-Maladie, elle monte à 9 %par an. Grâce à ce fonds d’investissement, les collectivités territoriales lauréats d’appels à projets seraient subventionnés à hauteur de 80% du montant total. La Fabrique Écologique propose un montant total de 5 milliards d’euros sur dix ans.
« Ces propositions peuvent paraître parfois extrémistes et utopistes ; en réalité elles sont justes et nécessaires pour tous », concluent les auteurs de la note.
Auteur : Matthieu Combe, journaliste du webzine Natura-sciences.com