Dans son nouveau livre « Les écoptimistes – Remèdes à l’éco-anxiété », la journaliste Dorothée Moisan révèle neuf portraits d’écologistes inspirants pour passer à l’action et profiter de la vie à pleine dents malgré la crise écologique. Entretien.
Lorsqu’on prend réellement conscience de l’ampleur de la crise écologique et climatique, cela provoque généralement un vrai choc, dur à encaisser. Beaucoup sombrent alors dans l’éco-anxiété. Mais comment se relever? Après son livre Les Plastiqueurs, paru en 2021, la journaliste d’investigation Dorothée Moisan, sombre dans l’éco-anxiété. Pour remonter la pente, elle décide d’aller à la rencontre d’écologistes qui ne se laissent pas abattre.
Cette quête de sens donne naissance au livre Les écoptimistes, paru en février 2023 aux éditions Le Seuil (13,5 €). L’ouvrage sert sur un plateau le portrait de cinq hommes et quatre femmes « écoptimistes ». Une cinquième femme complète le tableau : Dorothée Moisan, « l’écoptimiste en devenir ». Natura Sciences l’a rencontrée pour vous donner les clés indispensables afin d’affronter la crise écologique avec optimisme.
Natura Sciences : S’il n’est pas possible de tirer un portrait robot de l’écoptimiste, quels sont les points communs entre tous les écoptimistes que vous avez rencontrés ?
Dorothée Moisan : Il n’y a pas une seule façon de passer de l’éco-anxiété à l’écoptimisme, c’est pourquoi j’ai choisi de présenter neuf portraits dans le livre. Chaque profil d’écoptimiste présente sa musique personnelle qui va séduire différemment les lecteurs et lectrices. Mais il y a un point commun évident, c’est que tous entrent en action et sont des éco-actifs. Ils s’engagent pour faire changer les choses de diverses manières. Cela peut être via la bande-dessinée, la recherche de low-tech, une grève de la faim ou le rire tout simplement. Cette action sert d’exemple à l’ensemble des éco-anxieux et perce une brèche vers une société plus joyeuse.
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Le deuxième point commun, c’est le lien. Les écoptimistes agissent avec les autres. C’est ce que j’appelle « la folle communauté des gens aux yeux ouverts ». C’est leur plus grande force : faire partie de cette communauté de gens qui ont compris l’ampleur du défi écologique.
Enfin, les écoptimistes refusent d’opposer entre elles les chapelles écolos. À quoi bon renvoyer dos à dos le plaidoyer et l’activisme de terrain, la politique parlementaire et les outils d’intelligence collective ? Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues et toutes les stratégies complémentaires.
Faut-il donc forcément passer par l’éco-anxiété pour devenir écoptimiste?
Je ne suis pas sûr que Guillaume Meurice ait un jour été éco-anxieux (rires). Mais pour la plupart, l’éco-anxiété semble être un passage obligé, et un tremplin vers l’écoptimisme. Les éco-anxieux sont les personnes les plus censées dans un monde qui ne l’est pas. Les écoptimistes sont des personnes qui ont une vraie force de caractère, qui ont un ancrage dans leur famille, dans leur région, dans leurs amis. Ce sont des personnes qui vont de l’avant naturellement.
Les écoptimistes appellent à lutter « pour » plutôt que « contre ». Est-ce à dire qu’ils ne dénoncent pas le système actuel ?
Les écoptimistes adoptent tous une posture révolutionnaire contre le système capitaliste, car il est impossible d’imaginer une croissance infinie dans un monde fini. Toutefois, Ils ne se focalisent pas sur la lutte « contre », car cela est stérile et braque les gens. Ils vont plutôt lutter « pour » et faire en sorte que les gens se saisissent eux-mêmes des solutions. Ils ne veulent pas construire un monde à la place des autres, mais construire avec eux.
Vous vous qualifiez d’écoptimiste en devenir. Êtes-vous sur la bonne voie de dépasser votre éco-anxiété?
Même les écoptimistes doutent. Le fait qu’ils doutent, c’est quand même rassurant pour une écoptimiste en devenir qui peut avoir ses coups de mou ! Mais les écoptimistes sont les gens qui trouvent les ressources pour se relever à chaque fois. L’important est d’avoir les outils pour se battre et pour remonter. En cas de doute, je repense à eux et j’utilise leur force comme des huiles essentielles. En fonction de la nature de l’éco-anxiété et du moment de la journée, je vais choisir l’une ou l’autre de ces huiles essentielles. C’est là qu’on voit que le partage et le lien est essentiel.
Je pense par exemple aux petites phrases du paysagiste Gilles Clément qui rappelle que « déprimer ça ne sert à rien » ! Je me rappelle aussi que l’ »on fait grandir ce que l’on regarde ». Plus tu passes du temps sur une information négative, plus tu as un poids sur la poitrine. Ce n’est pas parce qu’on ne pense pas à chaque seconde à la guerre en Ukraine ou à la sécheresse qu’on abandonne le combat ou qu’on ne fait rien ! Mais le fait d’y penser à chaque seconde est paralysant et dans ce cas, on ne sert plus à rien. Si l’on focalise notre attention sur quelque chose de positif que l’on peut faire grandir, c’est certainement mieux.
Une autre image d’une simplicité folle m’a été donnée par Guillaume Meurice est que l’on va tous mourir. Donc ce n’est pas la peine de mourir avant la mort. Profitons de la vie tant qu’on peut !