Pour la deuxième année consécutive, le vélo électrique se fait une place de choix dans le cœur et sous les pieds des Français. Les ventes explosent, et les aides de l’État abondent. Mais du point de vue des infrastructures et de la sécurité, les politiques publiques sont encore à la traîne.
En selle et pédale ! Oui, mais avec de l’aide. Les Français sont de plus en plus nombreux à plébisciter le vélo électrique pour leurs trajets au quotidien. Qu’ils soient des déçus de la voiture ou des néo sportifs craintifs devant les montées les plus raides, des centaines de milliers de nouveaux aficionados du vélo à assistance électrique (VAE) ont investi routes et chemins en 2021.
Selon Virgile Caillet, délégué général de l’association Union Sport & Cycle, aucune « information formelle et quantitative permet d’établir le profil type des utilisateurs de vélos électriques ». Toutefois, le professionnel assure qu’il y a« une grande diversité de Français qui font du VAE leur moyen de transport au quotidien ».
Des centaines de milliers de vélos électriques vendus
Sans pouvoir donner de statistiques exactes, Virgile Caillet établit tout de même trois portraits-robots de conducteurs de VAE. Ce dernier distingue premièrement les « vélotafeurs » : moins de 35 ans, ils se servent du VAE pour aller travailler. Bien qu’encore minoritaire, ce phénomène n’est pas isolé. L’association Paris en Selle révèle ainsi que 8% des trajets domicile-travail à Paris intra-muros se font à vélo. Les données de l’Insee montrent que les Français vivent en moyenne à 9,2 kilomètres de leur lieu de travail. En ce sens, le vélo électrique représente une alternative sérieuse à la voiture. « Le vélo électrique est idéal pour des trajets domicile-travail allant jusqu’à 10 kilomètres. En roulant à 15-20km/h, le parcours prend environ 30 minutes », explique Virgile Caillet.
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De leur côté, les séniors enfourcheraient un vélo électrique pour faire du sport, sans craindre de fournir des efforts trop soutenus. Enfin, le directeur général de l’Union Sport & Cycle affirme que de nombreux 30-45 ans n’hésitent pas à investir dans un vélo cargo pour se déplacer en famille.« Il existe trois types de vélos cargos : le biporteur, le triporteur et le long tail. Ces véhicules peuvent servir à la fois pour transporter des enfants et faire des courses. Pour les professionnels, le vélo cargo est intéressant pour gérer la logistique du dernier kilomètre », précise Virgile Caillet.
Grâce à sa place grandissante dans la mobilité, les ventes de vélos électriques ont explosé durant ces deux dernières années. Les résultats de l’édition 2021 de l’Observatoire du cycle indiquent que sur les 2,8 millions de vélos vendus l’année dernière, 660.000 étaient des VAE. C’est plus qu’en 2020 où 515.000 unités avaient été écoulées. En clair, les ventes de vélos électriques ont augmenté de 28% en un an. Les professionnels du secteur constatent que la popularité du VAE représente une part non négligeable de leur chiffre d’affaires. En effet, si les ventes de vélos électriques représentent 24% du volume global, elles pèsent pour 59% des recettes.
La France, nation du vélo électrique
Les aides financières étatiques sont, en partie, à l’origine de l’essor du VAE en France. Un décret daté du 12 août dernier prévoit que les aides financières à l’achat d’un vélo électrique sont prolongées jusqu’à la fin de l’année. Ainsi, tout acquéreur ayant un revenu fiscal de moins de 13.489 euros peut prétendre à une aide de 300 euros. Ce montant passe à 400 euros pour les personnes en situation de handicap et celles dont le revenu fiscal est inférieur à 6.300 euros. Pour l’achat d’un vélo cargo, le montant de la prime grime à 1.000 ou 2.000 euros selon les profils. Désormais, l’obtention de ces aides n’est plus soumise au versement d’une prime municipale ou régionale, comme l’exigeait l’ancien décret.
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Le Gouvernement voit d’un bon œil l’essor du vélo électrique en France et souhaite intensifier son expansion. L’enjeu pour la Première ministre Élisabeth Borne est de rendre « accessible » ce moyen de transport« écologique et bon pour la santé ». Cette dernière affirme souhaiter que la France devienne une « nation du vélo ». Pour cela, Élisabeth Borne a annoncé, le 20 septembre dernier, la naissance d’un deuxième Plan vélo. Une enveloppe de 250 millions d’euros servira en 2023 à développer les infrastructures et les espaces de stationnement.
La sécurité, « c’est n’importe quoi »
Virgile Caillet estime que ces deux aspects sont des conditions sine qua non au déploiement du vélo électrique. Selon le directeur général de l’Union Sport & Cycle, plusieurs freins relatifs à la sécurité subsistent.« Il faut agir sur deux leviers : la sécurité, et le vol et la dégradation. Dans les zones urbaines, c’est n’importe quoi : les vélos sont accrochés n’importe où », déplore-t-il. Puis, il ajoute que « pour que le vélo soit vraiment vu comme une alternative de mobilité sérieuse, il ne faut pas craindre en permanence de se faire voler son vélo ». Pour faire face à cette problématique, plusieurs villes prévoient d’ouvrir des parkings à vélo sécurisés, comme aux abords de la gare de Massy TGV (Essonne).
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Le développement de ces espaces de stationnement pourra également favoriser l’intermodalité, à savoir le fait d’intégrer le vélo dans les routines de transport. « Aujourd’hui, beaucoup de gens prennent leur voiture pour aller prendre le train. Il faut un réel portage politique pour rendre compatibles les villes avec la pratique du vélo », insiste Virgile Caillet. Et au sujet des pistes cyclables, l’expert considère qu’il ne s’agit pas de les multiplier de façon anarchique. « Les voies à contre sens [de la circulation des voitures, NDLR], ça n’a pas de sens. Il faut une stratégie globale », avertit-il.
Sur ces différents points, les Français attendent des efforts de leurs représentants politiques. Selon l’édition 2021 du Baromètre des villes cyclables, l’écrasante majorité des cyclistes font état de mauvaises expériences. Ils dénoncent des problèmes de sécurité, de confort et d’efforts insuffisants des villes. Dans quelques petites villes comme Marseillan (34), Le Teich (33), Ychoux (40) ou Magny-les-Hameaux (78), les voyants sont au vert. Côté grandes villes, la seule que les usagers de la bicyclette notent correctement est Strasbourg. Et Paris dans tout ça ? « La ville fait énormément pour le vélo. Mais face aux flux de circulation, il faudrait penser les pistes autrement », considère Virgile Caillet.